On pourra lire ce livre comme quelque chose qui pourrait ressembler à
un témoignage de foi en une bonté primordiale et dans l'infiniment
déraisonnable du fait d'être, comme un ensemble d'indications pratiques
et descriptives aptes à engendrer une mutation paradoxale de la
conscience de soi et une conversion à l'évidence éblouissante.
Entre les lignes, une perche paradoxale est tendue au lecteur pour le faire
basculer - de préférence ici et maintenant et au plus tard et
en toute certitude un jour ou l'autre - dans la nescience et la joie pure de
l'étonnement d'être, cette caresse infiniment puissante et douce
" Tout individu de passage sur cette Terre, ne perdra pas son temps dans
l'infinité inimaginable de l'éternité et de l'espace en
lisant cet
excellent ouvrage."
Aubin Sahallor (Auteur de " Depuis Quand ? depuis toujours ! ")
Edition L'ORIGINEL Accarias, 1999.
125 francs.
240 pages.
Voici un livre à la fois rigoureux et jubilatoire, dont la lecture aidera
à terminer plus légèrement le millénaire. Premier
livre
d'un philosophe de vingt-neuf ans, qui à la fois raisonne juste, choisit
bien ses sources et - plus rare encore - ne se prend pas
au sérieux.
Au départ de son essai et de son aventure intérieure, un sentiment
tout simple et tout frais: l'étonnement. Certes cette attitude
n'est pas étrangère à la tradition philosophique occidentale.
Platon déjà, dans son Théèthète, y voyait
"la vraie marque d'un
philosophe" et même l'origine de la philosophie. Plus tard, c'est
bien l'étonnement aussi qui poussera Leibniz à s'interroger :
"Pourquoi existe-t-il quelque chose plutôt que rien ?" Comme
en écho, Wittgenstein s'exclamera : "Quelle chose extraordinaire
de penser que quoi que ce soit puisse exister !... Comment peut-il se faire
qu'il y ait un monde ?" Et l'on trouvera chez
Bergson l'expression "étonnement d'être", reprise ici
par Alexandre Quaranta mais dans une perspective qui nous paraît plus
authentiquement mystique. Lorsqu'il écrit par exemple : 'L'étonnement
d'être est la meilleure chose qui puisse nous arriver ;
c'est une expérience paradoxale et libératrice avec personne pour
expérimenter (c'est nous qui soulignons)", on se sent plus
proche de l'advaita et du ch'an que des philosophes occidentaux précités.
L'effacement du sujet, la rupture drastique avec les
mécanismes du mental, la résorption de la conscience individuelle
dans la Conscience absolue caractérisent en effet
l'étonnement extatique auquel nous invite Quaranta : "La pure conscience
de soi n'est pas quelque chose qui voit le jour au
terme d'une activité mentale quelconque, mais au contraire qui se déclare
lorsqu'on prend conscience de soi-même comme
étant la source de la pensée. Ceci conduit à la découverte
remarquable que la réponse à toutes les questions essentielles
se
trouve dans la conscience vivante de l'endroit d'où les questions ont
jailli. Lorsque les pensées - des plus sublimes aux plus
triviales - sont reconnues comme jaillissant - ni plus, ni moins - du miracle
infini de la conscience de soi, toutes les pensées
avouent leur néant profond." Techniquement, nous ajouterons que
le renoncement aux pensées ou, mieux, au "penseur"
(renoncement spontané, non volontariste, "lâcher prise"
sans calcul) libère une formidable énergie qui, loin de stériliser
l'être,
l'ouvre à toutes les possibilités : n'ayant plus de pensées
"à soi", on peut les avoir toutes ; ne s'identifiant à
aucune personnalité,
on peut prendre tous les masques ; ayant compris que "les pensées
ne sont que des objets d'une densité subtile" alors que "les
objets ne sont que des pensées d'une densité prononcée",
on peut librement - et, pourquoi pas, joyeusement - "naviguer"
entre les deux mondes, l'intérieur et l'extérieur, le psychique
et le sensible, qui ne sont, pour celui qui voit, que les deux faces
d'une même réalité ou, si l'on préfère, d'un
même rêve. Alors vide et forme cessent de s'opposer mais se renvoient
l'un à
l'autre en un jeu éternel, le plus sérieux des jeux, le jeu divin.
L'étonnement d'être s'épanouit en pur émerveillement,
-
acquiescement total, inconditionnel à ce qui EST.
Cela peut-il être réalisé seul, sans l'appui d'un maître,
d'une tradition et d'une initiation ? Il semble que oui, mais très
exceptionnellement, et cela s'appellerait la "grâce" s'il y
avait encore "quelqu'un" pour l'octroyer et la recevoir. Aujourd'hui
on
exalte beaucoup la "mystique sauvage" et cela est assez naturel vu
la déliquescence des traditions et le faible niveau des
"maîtres" actuels. De multiples individus se prétendent
spontanément "Eveillés" - ou laissent dire qu'ils le
sont - et il n'est pas
toujours facile de faire le tri entre charlatanisme, autosuggestion et expérience
authentique (quoique souvent limitée). D'autre
part, on a tendance à surévaluer - par une sorte de "conformisme
de l'anticonformisme", comme disait Cocteau - tous les
courants spirituels subversifs, atypiques, rebelles, sans discerner que ce sont
en fait les plus exigeants et les plus élitistes (le
tantrisme de la "Main gauche", pour n'en citer qu'un). Malgré
la curiosité qu'il en a peut-être et l'évidente tolérance
de son
tempérament, félicitons Alexandre Quaranta de ne pas tomber dans
ces modes et de se reférer à des enseignements solides et
essentiels (on voit qu'il a lu et médité le Yoga-vasishtha, la
Doctrine suprême de la Déesse Tripurâ dans l'admirable
traduction annotée de Michel Hulin (Fayard, coll. Documents spirituels,
1979.), le Vijñâna-Bhairava, d'autres textes majeurs
encore des traditions védantique et shivaïte). Nous souhaitons qu'il
approfondisse encore cette réflexion, sans renoncer à
l'esprit de découverte, à l'alacrité, à l'insolence
qui font la saveur de son livre et le rattachent, comme par surprise, à
la
tradition bien oubliée du "gai savoir".
Pierre FEUGA, article paru dans Connaissance des religions n°99.
Nous avons tous plus ou moins conscience que la vie un miracle, et que nous sommes à chaque instant au coeur de ce miracle infini... Mais nous sommes aussi nombreux à l'oublier la plupart du temps !
Comment lever l'étrange sortilège dans lequel nous restons souvent
prisonniers, comment connaître cet éveil et cette
mutation paradoxale de la conscience de soi : voilà le pari insensé
et pourtant possible que cet ouvrage tente pour notre plus
grand bénéfice. Car s'étonner d'être, c'est accéder
à le joie la plus simple, la plus accessible et aussi la plus folle.L'étonnement
creuse un abîme, crée une faille, une " étonnure "
dans la grisaille de notre réalité et ouvre - non pas sur un néant
déprimant ou
angoissant - mais sur un océan de félicité dans laquelle
nous avons toujours baigné et nous baignerons pour l'éternité.
Dans cet ouvrage, sont abordés sous un angle original, avec souvent
un sens aigu de l'humour, des questions
philosophiques classiques relatives à la perception, à l'espace,
au temps, et à l'identité. En outre, l'auteur se réfère
avec
pertinence à l'un des courants de philosophie hindoue les plus mystérieux
et les plus puissants : celui du tantrisme shivaïste
cachemirien. De nombreux témoignages de mystiques anciens et contemporains
qui se sont aventurés dans cette tradition,
attestent de cette conversion de la conscience à l'éblouissante
évidence, de ce réenchantement de toutes nos perceptions.
Info-Yoga, décembre 1999.