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Est-ce que cette pratique du rêve lucide,
du point de vue de la liberté qui est toujours déjà
la notre profondément, ne charrie pas avec elle des illusions.
L'illusion qu'il y aurait quelque chose à atteindre grâce
à ces moyens d'induire le rêve lucide, grâce à
ce que l'on pourrait expérimenter dans les rêves lucides
? L'illusion que l'on passe à côté de quelque chose
en ne rêvant pas consciemment ?
Ce qui est proposé ici est avant tout une célébration
et une exploration de la joie de l'imaginaire, de l'imagination libre
et pure, à travers cette possibilité étonnante qu'est
le rêve lucide. Rien à atteindre donc, et surtout pas l'idée
que l'on va être demain, plus tard, grace à ce que l'on fait
aujourd'hui, maintenanti. Rien à atteindre sur l'essentiel que
nous sommes déjà, pas d'angoisse d'échec sur le fait
de réussir ou pas à être (rires!) ! Jouir consciemment
de l'imaginaire et des facultés de l'esprit peut être comparé
au fait de surfer de belles vagues. Vous êtes sur la plage, allongé
sur sable et vous contemplez ces vagues. Vous pouvez avoir le désir
de les surfer ou bien de faire autre chose, cela n'a aucune importance
pour ce qui est du fait que vous êtes conscience, déjà,
depuis toujours.
En quoi est-ce une pratique spirituelle ?
Dans l'expression pratique spirituelle il y a esprit et l'esprit commence
avec la conscience vivante du miracle absolu de cette donnée immédiate
qui donne l'impression de faire partie des meubles et qui est la conscience
simple et directe que nous avons d'être conscient, que nous avons
de nous-même !
Encore une fois, il n'y a rien à atteindre. On s'exerce au rêve
lucide pour la joie, et l'exercice dans son essence est satisfaisant parce
qu'il mobilise notre faculté d'attention dont on peut découvrir
que l'exercer consciemment, intensément et ludiquement est source
de joie. On découvre aussi que la faculté d'attention s'origine,
jaillit d'une non-chose qui est le pur sujet conscient que nous sommes
et qui est le mystère d'être en personne ! (rires).
S'exercer à rêver consciemment, à vivre lucidement
le rêve nocturne n'est pas anodin dans le sens où cela implique,
induit,et ce très naturellement, un élargissement de notre
sens de l'identité, une conscience plus vivante de nous même
et de la limitation que représente nos savoirs et la définition
que nous avons de nous-même. . L'art du rêve lucide est un
art de la présence, de la coïncidence avec l'évidence
conscience que nous sommes et c'est un donc aussi un art de jouir, c'est
à dire que goûter, de savourer, d'expérimenter consciemment
ce qui nous est donné à vivre en terme d'expérience
immédiate. Et parce que c'est un art de la présence, un
art de jouir, un art de vivre en quelque sorte, c'est aussi un art de
mourir. Mourir à nos identifications, aux définitions que
nous avons de nous même et à la réduction de notre
propre essence à ses attributs. En fait, nous pouvons être
amené à vivre une sorte d'expansion et d'élargissement
de notre sens de l'identité, un peu plus de disponibilité,
de capacité d'acceuil à ce qui est.
Et puis, pour finir de répondre à
votre question on peut parler de dimension spiritutelle parce qu'avec
le phénomène du rêve, dans toute sa diversité,
on est de plein pied dans la dimension de l'intériorité
qui est autonome et non dépendante de la vie terrestre.
Bien sûr, on peut toujours dire après
que la vie de l'esprit est une illusion et qu'un individu sensé
ne peut être que matérialiste. Mais que serait la matière
sans celui qui a conscience de l'existence de la matière et qui
choisit de se mettre à genoux devant elle.
Que voulez-vous dire que vous dites que le yoga
de l'état de rêve, cette autre façon de vivre le rêve
nocturne est un art de la présence, de la présence dans
le quotidien si je comprends bien ?
Oui, il s'agit bien de la présence dans le quotidien terrestre.
Vous êtes dans le bus, vous êtes bien présent, avec
une bonne acuité sensorielle. Vous êtes présent à
vous-même en tant que conscience c'est à dire en tant que
main qui sous-tend dans l'existence tout ce qui se manifeste dans l'instant.
Soudain le bus et tout le reste s'engloutit en vous en tant que pur sujet
conscient. Tout le spectacle de ces gens dans le bus devient passionnant,
mieux qu'un bon film au cinéma ! Tout devient émouvant en
quelque sorte. Cette main gracieuse de jeune fille qui tient la poignée
de bus suscite un émerveillement, ou bien cet homme plutôt
laid et nauséabond qui ne vous sourit même pas en vous regardant
d'un drôle d'oeil vous découvrez qu'il est tout imprégné
de la lumière du miracle infini de la conscienc et que la conscience
c'est vous-même. La scène prend une saveur plus ou moins
intense, et elle est source d'un contentement profond. L'instant est perçu
comme une oeuvre d'art. Que pourriez-vous vouloir de plus que ce qui est
en train de se produire dans le bus bondé maintenant ? Tous ces
gens, tout ces corps, qui sont apparus dans l'infinité inimaginable
du temps et de l'espace, qui ont une histoire humaine et psychologique,
qui disent tous "c'est MOI !" lorsqu'ils répondent au
parlophone de leur immeuble pour qu'on leur ouvre la porte. Un étonnement
légér, joyeux, teinté de la saveur de l'humour et
de l'étrange, fonctionnel mais insouciant : c'est la présence
sincère à soi et au monde.
Percevoir le présent enchanté dans toute sa fraîcheur
éblouissante, au delà de tous les savoirs, de toutes les
certitudes, de toutes les parasitages de la faculté d'éprouver
directement les êtres et les choses, c'est vivre le quotidien terrestre
avec cette légereté, cette luminosité caractéristique
des rêves nocturnes. Le rêve nocturne quant à lui offrant
certaines possibilités supplémentaires avec le corps de
rêve qui a moins de limitations que le corps physique.
Vous parlez souvent de saisir le champ visuel dans
sa globalité, qu'est ce que cela veut dire ?
Cela veut dire se réapproprier l'ensemble des sensations lumineuses
colorées que l'on appelle le monde !
Si nous nous exerçons à voir le champ visuel pour ce qu'il
est, l'oeuvre d'art d'un grand impressioniste, un tour de passe passe
inouï sur arrière-plan superlumineux et ultramystérieux,
ou pour ceux qui croient au cerveau un hologramme crée par lui,
alors, à nouveau on accède à la saveur, à
l'enchantement, à la légerété. Tout cela est
très proche du bonheur perceptif de l'enfance. Souvenez vous de
vos promenades, enfant, les après-midi d'été (rires)
!
Voir le champ visuel comme une unité saisie panoramiquement dans
toute sa splendeur magique et irréelle ou surréelle si vous
préférez. Comme une carte postale de l'éternel présent
hyperactuel.
Le champ visuel est un miracle qui ne va pas de soi, tout comme le rêve
nocturne est un autre miracle qui ne va de soi. Il y a un passage de ce
texte indien admirable qui s'appelle "La Doctrine Secrète
de la Déesse Tripura" que j'aime bien. Je l'ai sous la main,
je vous le lis : "Inverse la direction de ton regard et contemple
la pensée pure, ton propre Soi. Les meilleurs esprits parviennent
à la saisir au moment même où on les instruit à
son sujet. Mais le regard dont il est question ici n'est pas celui de
l'oeil de chair, mais le regard intérieur par lequel tu vois dans
tes rêves. C'est lui qu'il s'agit de tourner vers l'intérieur,
vers sa source. Sans une telle conversion, il n'est pas possible de voir
quoi que ce soit."
Vous dites souvent que l'apprentisage et l'exploration du rêve lucide,
du yoga de l'état de rêve, conduit à rendre très
vivantes et "tangibles" un certain nombre d'interrogations métaphysiques
fondamentales. Quelles sont-elles ?
La grande interrogation qui jaillit du coeur avec sa réponse non
conceptuelle c'est bien sûr "QUI RÊVE ?", "Qu'elle
est l'ultime source qui élabore et qui crée le rêve
?". Et puis ensuite on ne peut manquer de se poser des questions
sur le temps et sa flèche, l'espace, l'identité, la subjectivité,
l'intersubjectivité, la mort, entre autres sujets ! Ce qui est
intéressant de signaler c'est que ces interrogations qui peuvent
être très fines, très pertinentes en terme de questions
que l'on se met à se formuler à soi-même et dont les
réponses se dessinent grâce à la médiation
du canal intuitif, sont très vivantes, source de joies, d'étonnements,
de contentement réels. Elles émergent presque systèmatiquement,
avec leurs réponses sous forme d'ouverture intuitives comme je
vous l'ai dit, chez les personnes qui s'adonne sérieusement - ce
qui n'empêche pas la joie et la légereté d'ailleurs
- au yoga de l'état de rêve.
Retranscription en cours de finalisation
Disponible très prochainement
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